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  • FRANCE - ENQUÊTE

    Bardella invité chez Hanouna à Saint-Tropez : la photo qu’ils veulent cacher

    17 juillet 2024 | Par Antton Rouget et Ellen Salvi

    Depuis cinq jours, Mimi Marchand, la papesse de la presse people, s’active pour bloquer la publication de photos sur lesquelles on voit le président du RN et l’animateur dîner dans la maison de vacances de celui-ci. Des clichés qui en disent long sur cette proximité que les deux hommes aimeraient garder secrète.

    Cyril Hanouna est décidément chanceux. Les preuves de sa grande proximité avec Jordan Bardella auraient pu faire la une des journaux people et alimenter la chronique politique tout l’été. Les deux hommes ont en effet été photographiés à leur insu lors d’une soirée privée organisée vendredi 12 juillet, dans la maison de vacances que l’animateur préféré de Vincent Bolloré vient d’acquérir sur les hauteurs de Saint-Tropez, dans le Var.

    Selon les informations de Mediapart, le président du Rassemblement national (RN) dînait ce soir-là avec Cyril Hanouna et plusieurs autres convives quand il a été repéré par un paparazzi, caché derrière des arbres, à l’abri des regards du petit groupe festoyant en terrasse. La vaste propriété que l’animateur s’est récemment offerte pour plus de 8 millions d’euros, d’après Var-Matin, s’étend sur près de 5 000 mètres carrés. Son emplacement est idéal pour qui veut rester discret.

    Mais un bon tuyau a permis au paparazzi de s’installer à proximité de la villa pour photographier ce dîner que les deux hommes auraient préféré garder secret. Le hasard faisant parfois bien les choses, ces clichés se sont miraculeusement retrouvés entre les mains de Mimi Marchand, ange gardien des couples Macron et Sarkozy, mais aussi grande amie de Cyril Hanouna.

    © Photo illustration Sébastien Calvet / Mediapart avec AFP et Sipa

    Toujours prompte à « aider » ses proches en échange de quelques infos croustillantes, Mimi Marchand s’est immédiatement activée pour bloquer ces photos gênantes avant qu’elles ne soient publiées. Rodée à ce type d’opération de dissimulation, la communicante avait exigé la plus grande discrétion des intéressés. Mais un cliché a tout de même circulé de téléphone en téléphone, ruinant par là même le plan qu’elle avait échafaudé.

    Car Mimi Marchand fait rarement les choses gracieusement. Consciente de la polémique que cette soirée amicale entre Jordan Bardella et Cyril Hanouna ne manquerait pas de susciter, après une campagne marquée par l’offensive des médias Bolloré en faveur de l’extrême droite, la patronne de l’agence Bestimage en a profité pour demander à l’animateur quelques informations sur l’agenda personnel du président du RN.

    Où Jordan Bardella va-t-il passer la suite de ses vacances ? Sur quelle plage compte-t-il piquer une tête ? Envisage-t-il d’autres activités ? La communicante est prête à tout pour le savoir, quitte à cacher le beau scoop de cette soirée tropézienne. D’autant qu’en échange de son silence, elle organise aussi une fausse paparazzade de son ami Cyril Hanouna. Certes seul, mais le bonus n’est pas négligeable : les magazines offrent toujours un bon prix pour ce type de photos.

    Mimi Marchand, la tour de contrôle

    Lundi 15 juillet, soit deux jours à peine après son dîner secret avec le président du RN, l’animateur était par extraordinaire repéré à bord de son yacht Lamborghini à 3 millions d’euros. On l’y voit pianoter sur son téléphone portable et saluer ostensiblement le photographe derrière l’objectif. Ces clichés diffusés par le groupe de presse régionale Nice-Matin, propriété de Xavier Niel, un autre grand ami de Mimi Marchand, sont vendus par Bestimage.

    Auprès de Mediapart, Cyril Hanouna assure qu’il ne s’agit pas d’une fausse paparazzade : « C’est Var-Matin la photo sur mon bateau, rien à voir avec Mimi Marchand !!! », glisse-t-il avec plusieurs emojis de personnages pleurant de rire. Questionné et relancé sur sa relation avec Jordan Bardella et sa présence chez lui vendredi 12 juillet, l’animateur a esquivé.

    Récemment rachetée par le groupe Nice-Matin, Bestimage travaille aussi très régulièrement avec les médias de Vincent Bolloré, dont Paris Match. Mais l’un de ses plus proches clients est sans conteste Cyril Hanouna. Prestataire de « Touche pas à mon poste » (TPMP) sur C8 et souvent présente en coulisses de l’émission, Mimi Marchand a acquis ces dernières années une place particulière aux côtés de l’animateur, dont elle contrôle aussi l’image à sa guise.

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    Assurant également la communication de plusieurs proches de son ami, à l’image du sculpteur des stars Richard Orlinski, aujourd’hui au cœur d’une vaste enquête, Mimi Marchand est devenue avec le temps une sorte de tour de contrôle pour tout ce petit monde pailleté. Forte d’un carnet d’adresses inépuisable, elle a poussé à son paroxysme le concept d’échange de bons procédés, retenant certaines informations pour mieux en obtenir et monnayer d’autres.

    Une pratique courante pour la communicante, soupçonnée d’avoir été jusqu’à soutirer de l’argent à l’animatrice Karine Le Marchand contre son silence sur des photographies de sa fille mineure sortant d’un commissariat. Dans cette affaire révélée par Mediapart, le parquet de Paris a demandé son renvoi en correctionnelle pour extorsion de fonds. Contactés, ni Mimi Marchand, ni Cyril Hanouna, ni Jordan Bardella n’ont voulu commenter nos informations.

    Peu après l’envoi de nos questions aux intéressé·es, Mediapart a appris que Cyril Hanouna cherchait à organiser un contre-feu médiatique dans Le JDD, journal également détenu par Vincent Bolloré et ayant largement porté les campagnes du RN aux européennes et aux législatives. L’objectif de cette manœuvre : tenter de faire croire que ce dîner privé était en réalité une réunion de travail destinée à préparer une émission de rentrée. Le même contre-feu est d’ailleurs sorti en « exclu » sur le blog de Jean-Marc Morandini, autre membre de la bollosphère, peu après la publication de notre article.

    Cyril Hanouna, l’allié objectif de l’extrême droite

    Trois semaines avant de le retrouver dans sa villa tropézienne, Jordan Bardella avait répondu à une invitation plus officielle de Cyril Hanouna, en se rendant dans son émission capsule sur Europe 1. Tout au long de la campagne des législatives, l’animateur préféré de Vincent Bolloré a en effet occupé une case quotidienne sur la radio. Et ouvert grand ses micros à l’extrême droite.

    Locomotive de la campagne de Vincent Bolloré en faveur du RN, cette émission capsule était si ouvertement partisane qu’elle a fait l’objet d’une mise en demeure de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Dans sa décision, le régulateur de l’audiovisuel soulignait notamment que l’actualité de la gauche y avait « été traitée de manière systématiquement critique et virulente, en des termes souvent péjoratifs et outranciers ».

    A contrario, Cyril Hanouna et ses chroniqueurs ont fait montre, pendant trois semaines, d’une connivence grossière avec l’extrême droite. Entre les 17 et 26 juin, « 16 [des 29] invités représentaient ou soutenaient les partis relevant du bloc extrême droite », notait encore l’Arcom, qui avait déjà rappelé Europe 1 à ses obligations en matière de « pluralisme » et d’« honnêteté » vis-à-vis de « l’actualité électorale » deux jours seulement après le lancement du programme.

    L’animateur préféré de Vincent Bolloré est tellement proche de Jordan Bardella qu’il avait aussi tranquillement décroché son téléphone personnel, le 13 juin, pour l’appeler en direct à l’antenne, afin de jouer les entremetteurs avec son invitée Sarah Knafo, numéro deux du parti Reconquête. Une scène hallucinante survenue quelques jours après la dissolution de l’Assemblée nationale, mais qui n’avait dérangé personne sur le plateau hilare de TPMP.

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    Après avoir labouré le terrain pour l’extrême droite, les médias Bolloré savourent

    Régulièrement accusé de faire le lit de l’extrême droite, dont il « est devenu un allié objectif », selon l’historienne des médias Claire Sécail, Cyril Hanouna a toujours pris soin d’afficher une certaine distance avec le président du RN lorsqu’il le recevait dans ses émissions. « Je ne suis pas là pour dire pour qui voter, je suis là pour donner la parole à tout le monde », avait-il assuré face à la commission d’enquête sur l’attribution des fréquences TNT, mi-mars.

    Auditionnés mardi 9 juillet par l’Arcom pour le renouvellement de leur fréquence, les dirigeants de C8 ont également assuré que « le pluralisme fera[it] partie de l’émission [TPMP] » à la rentrée, rejetant tout traitement préférentiel à l’égard du RN.

    Mais derrière les vouvoiements de façade et les promesses d’impartialité, se cache une réelle proximité entre les deux hommes, comme le prouve leur dîner privé. En novembre 2023, Cyril Hanouna s’était amusé dans son émission d’avoir rencontré Jordan Bardella dans une salle de sport. « Mais par hasard ? », l’avait interrogé un chroniqueur. « Tu crois quoi ? Tu crois que j’appelle Jordan Bardella : “Allo ? On va soulever de la fonte ?” », avait-il plaisanté.

    Pour soulever de la fonte, peut-être pas. Mais pour entretenir la connivence autour d’un bon repas, assurément.

    Nous avons pu consulter une photographie de cette soirée prise depuis les hauteurs de Saint-Tropez.

    Contactés par Mediapart, Jordan Bardella et Mimi Marchand n’ont pas répondu à nos sollicitations.

    Cyril Hanouna s’est contenté d’esquiver nos questions sur le dîner avec le président du RN. « Je suis en plein match de padel là ! Bises », a-t-il fini par écrire pour mettre fin à la conversation.

    Après la publication de cet article, Mediapart a appris que Cyril Hanouna cherchait à organiser un contre-feu médiatique dans Le JDD. Nous avons actualisé notre enquête avec cette information.



  • Non, la Seine n’est toujours pas baignable (même si Anne Hidalgo y plonge)

    17 juillet 2024 | Par Jade Lindgaard

    À coups de mises en scène et de « storytelling », les autorités fabriquent l’histoire d’un fleuve parisien libéré de la pollution et accessible aux baigneurs. Mais un écosystème ne se transforme pas d’un coup de baguette, même olympique.

    Plonger le corps d’une ministre, d’une maire, d’un préfet ou du président de Paris 2024 dans la Seine suffit-il à rendre le fleuve baignable ?

    Difficile de ne pas se poser la question à la vue des images d’Anne Hidalgo et de Tony Estanguet jouant à nager dans les eaux parisiennes mercredi 17 juillet, après celles de la ministre des sports Amélie Oudéa-Castéra le 13 juillet. Car ni les critères réglementaires ni les conditions démocratiques ne sont réunis pour en assurer la baignabilité.

    La maire de Paris, Anne Hidalgo, s’est baignée dans la Seine mercredi 17 juillet 2024. © Abdullah Firas / Abaca

    Lorsque que l’on consulte la carte officielle des lieux de baignade en France, aucun site de la Seine n’y figure à Paris – seuls sont répertoriés le canal Saint-Martin et le bassin de la Villette, dont l’eau vient du canal de l’Ourcq.

    Et pour cause : à l’intérieur de la capitale, le fleuve ne respecte pas les conditions pour y être répertorié. Première exigence : présenter une qualité suffisante sur quatre « saisons balnéaires », c’est-à-dire quatre ans. C’est ce que demande la directive européenne de 2006 sur les eaux de baignade.

    Deuxième condition : l’information du public sur les taux de pollution biologique mesurant les concentrations en bactéries fécales Escherichia coli et entérocoques intestinaux, désormais célèbres.

    Depuis le 3 juin, la mairie de Paris publie chaque semaine sur son site des résultats de prélèvements en quatre points. Mais la règle, c’est de les publier tous les jours et sur les lieux de baignade pendant la saison estivale, explique Christophe Le Visage, vice-président de l’association Eau et Rivières de Bretagne, qui connaît bien la réglementation européenne. Il faut aussi présenter les classements des années précédentes, ainsi qu’informer en détail sur les risques que la pollution du lieu représente pour les baigneuses et baigneurs – les matières fécales ne sont pas les seuls éléments pathogènes présents dans le fleuve.

    Les autorités françaises utilisent les valeurs de référence proposées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui a fixé des seuils au-delà desquels la baignade ne devrait pas être autorisée : 1 800 unités formant colonie (UFC) d’Escherichia coli pour 100 millilitres d’eau et 660 pour les entérocoques intestinaux, en eau douce.

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    Ces seuils sont utilisés pour évaluer la baignabilité « instantanée », à un moment donné, mais ne permettent pas de savoir si désormais et en général il est sain de se baigner dans la Seine. L’hydrologue Jean-Marie Mouchel avait déjà expliqué à Mediapart qu’« on ferait bien d’être un petit peu prudents » parce que « les variabilités hydrologique et météorologique ne permettent pas de décider sur la base d’une année de données ». D’autant plus que « les moments et les endroits où on prélève ne sont pas neutres », rappelle l’hydrologue Michel Poulin.

    On peut sonder à côté d’une nappe de pollution et ne pas la détecter. Le plan de dépollution de la Seine lancé en 2016 (1,4 milliard d’euros, financé à parité entre l’État et les collectivités) va dans le bon sens et permet d’améliorer la qualité des eaux, selon ces spécialistes.

    Si la directive de 2006 propose des critères pour évaluer si la qualité de l’eau est « excellente », « bonne » ou « suffisante », elle ne se risque pas à définir ce qui rend un eau baignable. Et laisse donc chaque État décider de l’ouverture ou non à la baignade de ses plages et points d’eau.

    Cette ambiguïté réglementaire permet aux autorités françaises de se glisser dans le chas d’une aiguille et de claironner que, désormais, il est possible de se plonger dans la Seine. Mais sur la base de quelles normes sanitaires ? À quels endroits exactement ? Pour combien de temps ? Et quand la ville de Paris décrète la Seine baignable, est-ce au sens de la directive européenne ? Ou en fonction d’autres critères – en ce cas, lesquels ? La mairie n’a pas répondu à nos questions sur ce sujet.

    De son côté, la préfecture de région explique que la directive sur la baignade ne s’applique pas à la Seine pour cette année 2024, et que le préfet de département dispose d’un pouvoir de police de la navigation . Il « peut tenir compte de la qualité de l’eau dans sa décision d’autorisation de la manifestation » mais « c’est in fine l’organisateur qui décide lui-même le jour de la manifestation si les conditions sont réunies pour que celle-ci ait lieu ». Bref, les autorités agissent comme bon leur semble.

    Opacité à Paris, transparence à Berlin

    La décision de baignabilité sera donc prise de façon unilatérale par les autorités, sur un fond d’opacité totale concernant les mesures (les chiffres de janvier à juin 2024 ne sont toujours pas publics), leur interprétation, et leurs implications sanitaires. Un passage en force qui ressemble à un caprice de souverain : il avait été décidé en 2015, au moment de la candidature de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, que la Seine devait être baignable pour l’événement. Il fallait donc que cela soit.

    Pourtant, dans une ville qui ressemble à Paris et se trouve dans un pays en de nombreux points comparables, les choses se passent différemment. À Berlin, un plan de développement urbain vise depuis 2019 à transformer la Sprée, fleuve qui traverse la ville, en « ligne de vie écologique urbaine », expliquent les chercheuses Gaëlle Rouillé-Kielo et Gabrielle Bouleau.

    Après un siècle d’interdiction (la baignade dans la Seine est officiellement interdite par l’État depuis 1923), il faut réapprendre à s’y baigner.

    On se baigne déjà dans la capitale allemande, mais dans des lacs et des cours d’eau, et pas encore dans les bras du fleuve. Portée historiquement par des associations et des habitant·es, l’ouverture de points de baignade dans le fleuve berlinois « est appréhendée comme un symbole de reconquête citoyenne de l’eau en ville », expliquent les chercheuses, qui y voient même une illustration du « dynamisme des mouvements écologistes et l’aboutissement plus courant de leurs revendications en Allemagne, comparativement à la France ».

    Cette démocratie fluviale a bien des vertus : plus de transparence sur les données, une discussion de meilleure qualité permettant la confrontation des arguments. Mais aussi la création d’une culture du fleuve. Car après un siècle d’interdiction (la baignade dans la Seine est officiellement interdite par l’État depuis 1923), il faut réapprendre à s’y baigner : quel débit est dangereux, quel niveau de turbidité - l’aspect trouble de l’eau - est acceptable, quels moyens de surveillance humains sont nécessaires, de quels points peut-on sauter dans l’eau sans risquer sa vie ?

    Le président d’une association écologiste impliquée dans le projet de baignabilité à Berlin, Hubert Weiger, espère que, grâce à cela, « on verra la rivière d’un œil nouveau, et plus seulement comme un filet d’eau sans vie, encastré dans du béton. Si je sais que la rivière n’est pas uniquement un exutoire pour nos excréments, alors je me soucierai bien sûr tout autrement de l’eau ».

    Recréer une culture du loisir fluvial est un beau projet. Mais il ne se décrète pas à coups d’oukases olympiques.